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courbe en fond

Cristallochimie, in situ et operando

Cristallochimie, in situ et operando

Personnel impliqué au LRCS:

Jean-Noël CHOTARD, Christian MASQUELIER, Vincent SEZNEC, Mathieu COURTY, Arnaud DEMORTIERE, Virginie VIALLET, Nadir RECHAM, Emmanuel BAUDRIN, Loïc DUPONT, Christine FRAYRET, Matthieu BECUWE, Frédéric SAUVAGE, Justine JEAN

La recherche de nouveaux matériaux inorganiques passe inévitablement par l’utilisation de la cristallographie et des diverses techniques de diffractions inhérentes (diffraction des rayons X, des neutrons, électroniques). Les relations « structures-matières » sont en effet indispensables pour une meilleure compréhension des mécanismes réactionnels des matériaux pour l’énergie. Ainsi, dans cette thématiques (assez transversale), nous nous intéressons à la quasi-totalité des matériaux étudiés au laboratoire (anode/cathode/électrolytes solides/…). L’accès aux grands instruments (sources de neutrons/synchrotron) est évidemment au cœur de cette thématique ainsi que le développement de méthodes expérimentales « operando ».

Développement de techniques « operando » en diffraction de rayons X

Les mesures dites « operando » sont extrêmement importantes car elles nous permettent de suivre les évolutions structurales des matériaux actifs durant le cyclage par exemple et nous aident à mieux comprendre les mécanismes d’insertion/extraction du Li ou Na. Un effort particulier est donc porté au développement de cellules spécifiques capables de collecter de façon concomitante des données structurales et électrochimiques [8] (figure 1a et 1b). Les travaux de thèse de Kriti CHOUDHARY et de Sreelakshmi ANIL KUMAR, consistent notamment à inventer de telles cellules (pour la diffraction des rayons X (figure B4-1a) et des neutrons (figure 1b) respectivement). Dernièrement, nous avons même développé un four, adaptable à un diffractomètre de laboratoire mais également à des lignes de lumière synchrotron, afin d’effectuer ces mesures en fonction de la température. Ces cellules connaissent d’ailleurs un certain succès puisque qu’elles sont commercialisées en partenariat avec le fabricant de diffractomètres BRUKER. Cette thématique a été récemment renforcée au laboratoire via le recrutement d’une ingénieure d’étude en charge du développement des méthodes « operando » et s’inscrit parfaitement dans le PEPR Batterie ‘OPENSTORM’ dont le but est de développer les méthodes « operando » pour la communauté scientifique des batteries.

Matériaux d’électrodes positives et négatives pour batteries Li-Ion ou Na-Ion

Les matériaux polyanioniques tels que ceux cristallisants dans une structure dite « NaSICon » (Na Super Ionic CONductor) sont au cœur de nos activités. Plus particulièrement, le Na3V2(PO4)3 (NVP) et ses dérivés (Vanadium substitué par du Fe [115-146] ou du Mn [311] par exemple), bien que connus depuis des décennies, ne cessent de surprendre et de nouvelles phases ont été découvertes par notre groupe récemment.

 

A titre d’exemple, nous avons pu mettre en évidence que dans le NVP, lors de l’extraction du Na de Na3V2(PO4)3 vers Na1V2(PO4)3, une phase intermédiaire de composition Na2V2(PO4)3 peut être isolée alors même que l’électrochimie semble indiquer un mécanisme de type « bi-phasique » [84]. Cette phase intermédiaire Na2V2(PO4)3, peut être également obtenue par synthèse [Br08], mais avec une structure légèrement modifiée par rapport à la phase isolée électrochimiquement lui conférant des propriétés électrochimiques complètement différentes de la phase NVP classiques. Comme on peut l’observer sur la figure 2, la courbe électrochimique de Na2V2(PO4)3 (en rose) présente une forme en « S » typique d’un mécanisme d’extraction/insertion de type « solution solide » alors que le plateau observé pour Na3V2(PO4)3 (en vert) indique un mécanisme « bi-phasique ». Dans les 2 cas, il est possible d’extraire 2 Na de ces 2 matériaux, ce qui implique que pour le Na2V2(PO4)3, la structure NaSICon est maintenue sans Na. Mise à part un article de 1992 par Gopalakrishnan et al, personne n’avait reporté l’extraction totale de sodium dans le NVP. Ceci indique qu’il est difficile d’oxyder les 2 vanadium de la structure de V+III à V+V. Ainsi une stratégie afin d’augmenter la densité d’énergie est de substituer un des V+III par du Fe+II. Il a été ainsi possible de synthétiser le Na4FeV(PO4)3 et de suivre l’évolution structurale par diffraction des rayons X operando au synchrotron en utilisant nos cellules operando (Figure 3) citées précédemment [115]. Cela a révélé une asymétrie dans les mécanismes d’extraction (3 étapes distinctes) et d’insertion (2 étapes distinctes). Afin d’obtenir des informations plus locales, notamment au plan de l’environnement des atomes de Fer et de Vanadium, nous avons également effectué des mesures d’EXAFS/XANES operando, toujours au synchrotron     

Du côté des électrodes négatives, les matériaux les phases de type « Wadsley-Roth » sont également très prometteuses. Les composés tels que Nb12O29, TiNb2O7, Ti2Nb10O29, TiNb24O62, Nb16W5O55, Nb18W8O69 ou encore PNb9O25 ont été intensivement étudiées notamment pour leur capacité à supporter des hauts régimes de cyclage ainsi que leur haute capacité. Le Niobium est effectivement un élément intéressant puisqu’il est stable sous plusieurs degrés d’oxydation allant de +V à +III. Cela permet donc d’échanger 2 électrons par élément réductible et donc d’accroitre les capacités de stockage d’énergie. N. SUBASH, a commencé sa thèse en 2022 (co-financée par l’entreprise UMICORE) et s’intéresse particulièrement aux matériaux de formule générale Ax(P2O4)2(NbO3)2m. Ces matériaux peuvent réversiblement échanger 2 électrons (donc 2 Li+ ou 2 Na+) par Nb atteignant des capacités de l’ordre de 300 mAh/g.

Matériaux conducteurs ioniques pour batteries tout solide

Avec l’émergence des technologies dites « tout solide », il est nécessaire d’étudier des électrolytes conducteurs ioniques à l’état solide permettant de remplacer les électrolytes liquides actuel. Le challenge est de synthétiser des matériaux ayant des conductions ioniques à température ambiante de l’ordre du mS/cm. Là encore, l’apport de la cristallochimie est majeur puisqu’elle nous permet notamment de comprendre les mécanismes de conduction ioniques (chemin de diffusion, sites cristallographiques disponibles pour la migration des ions, etc…). Les matériaux NaSICon sont bien entendus largement étudiés et le système Na1+xZr2SixP3−xO12 l’a notamment été par E. MAHAYONI dans ses travaux de thèse [76]. Particulièrement, pour le composé Na3.4Zr2Si2.4P0.6O12, une conductivité de 3.6 mS/cm à température a été obtenue, ce qui en fait un des meilleurs conducteurs ioniques connus à l’heure actuelle. Il est important de noter que ce travail s’inscrit dans le cadre d’une ANR internationale avec des collègues théoriciens de la National University of Singapore.

D’autres systèmes sont bien entendus étudiés, notamment les composés de types Argyrodite de type Li6PS5Cl ou encore les thiophosphate de Lithium, type Li3PS4. Les thèses de D. SHANBHAG (soutenue en 2024 et co-financée par Umicore) et de Duy LINH PHAM (en cours et co-financée par SYENSQO – ex Solvay). Là encore, ces matériaux présentent des conductivités élevées (au-delà de 10 mS/cm à température ambiante) et ont donné lieu à 4 brevets ([Br09] et [Br15] avec UMICORE) et un autre est cours de rédaction avec SYENSQO.

Perspectives

Avec l’émergence des batteries tout solides, il est nécessaire de développer des cellules operando permettant, si possible, des mesures en températures (jusqu’à 200°C) et sous pression. Cet axe est en cours de développement notamment via le PEPR Batterie et spécifiquement dans le projet OPENSTORM. Un des objectifs finaux étant « d’universaliser » de telles cellules afin qu’elles puissent être utilisées par diverses techniques de caractérisation. Ainsi une seule et même cellule électrochimique pourrait être utilisées pour des mesures de diffraction mais également de spectroscopie RMN par exemple. Grâce à notre forte expertise la thématique « Cristallochimie et recherche de nouveaux matériaux » est également impliquée dans de nombres autres projets nationaux ou internationaux, plus centrés sur la découverte de nouveaux matériaux tels que le projet FRISBI (batteries au fluor) ou encore HIPOHYBAT (batteries au sodium).