Spectroscopies & Spectrométries
Personnes impliquées au LRCS: Da HUO, Grégory GACHOT, Frédéric SAUVAGE, Carine DAVOISNE, Raphaël JANOT, Christine FRAYRET
Au sein du LRCS, nous employons diverses techniques spectroscopiques, spectrométriques et de modélisation permettant de fournir des informations cruciales pour la compréhension du fonctionnement des différentes technologies de stockage et de conversion de l’énergie. Dans cette section, nous nous focalisons sur des cas d’innovation et de mise au point de ces méthodes spectroscopiques et spectrométriques.
Dégradation des électrolytes
Durant les cycles charge/décharge des batteries Li-ion, l’électrolyte (principalement à base de carbonates), qui assure la conduction des ions lithium entre les deux électrodes, subit des réactions de réduction au contact de l’électrode négative, amenant à la formation des produits de dégradation. http://lrcs-typo3.vh.u-picardie.fr/
Nous avons cherché à comprendre ces processus de dégradation et pour cela la première étape de notre travail a consisté à la caractérisation de ces produits de dégradation (en solution et en phase gazeuse) par GC/FTIR/MS, GC/MS et GC/BID, ce qui nous a permis dans un deuxième temps d’établir les mécanismes de dégradations (électrochimiques/chimiques) des électrolytes étudiés. Grâce à ces études nous avons pu démontrer le comportement atypique en température de matériaux à base d’étain comme électrode négative. En effet il a été démontré que ces batteries subissaient une dégradation plus faible à 60 °C qu’à une température de 25 °C [314] ce qui est contre-intuitif, les dégradations, qu’elles soient électrochimiques ou chimiques, augmentant généralement avec la température. De plus, nous avons démontré que le « binder » (Liant polymère assurant l’enrobage du matériau de l’électrode ainsi que son adhésion au collecteur de courant) utilisé avait une influence sur la dégradation de l’électrolyte [221] (figure 1 (a)). En effet le binder peut agir comme une pseudo « couche de passivation » limitant la réduction de l’électrolyte (ou des additifs) sur l’électrode négative. En ce qui concerne les batteries K-ion, nous avons pu démontrer la grande différence de dégradation des carbonates vis-à-vis du K métal en fonction du contre-ion du sel de potassium [315], allant d’une dégradation légère de l’électrolyte s’accompagnant d’une faible consommation du K métal à une très forte dégradation de l’électrolyte et la consommation total du potassium. Ceci met en évidence le rôle clé du contre-ion dans les batteries « métal » ion (Li, Na, K).

Spectroscopie résolue en temps
Dans le cadre des activités liées aux systèmes photovoltaïques mais aussi en extension dans nos développe-ments à ceux sur les matériaux de batteries, une force du laboratoire est de rassembler des outils complémentaires de spectroscopies résolues en temps allant du domaine de la ms jusqu’à environ 1ps et de les faire adapter à nos matériaux (solide ou liquide, massif ou couche mince) et à nos dispositifs (cellule à colorant, pérovskites, dispositif photocatalytique, demi-cellule de batteries incluant les systèmes photo-rechargeables).
La complémentarité vient de la combinaison entre la méthode basée sur la désexcitation radiative (TR-PL, TCSPC), non-radiative (TAS) ou de déphasage de la photo-tension (IMVS) ou du photo-courant (IMPS). Nous collaborons aussi avec l’IPCMS (UMR 7504) ou le LASIRe (UMR 8516) pour couvrir le domaine de la fs selon les besoins de la dynamique recherchée. Au-delà des analyses et résultats qualifiables « de routine » obtenues par ces instruments (ex. temps de vie des états excités de nouveaux matériaux, vitesse de régénération des colorants ou de nouveaux médiateurs redox, temps de vie des électrons, constante de transport électronique), ces instruments ont permis deux avancées majeures :
Sur les matériaux de batterie (modèle à ce stade) : évidence expérimentale de l’existence de l’effet Stark dans des nanocristaux de TiO2 induit par les ions lithium de l’électrolyte [198]. En particulier, les ions lithium composant l’électrolyte induisent une levée de dégénérescence des niveaux électroniques des nanocristaux induite par le gradient électrique crée à l’interface. Au-delà des aspects de stabilisation des états excités par les cations Li+, la modification des spectres d’excitation et d’émission et de l’énergie des transitions électroniques, nous avons corrélé pour la première fois la transition biphasée vers monophasée de l’insertion des ions lithium en contrôlant seulement le champ électrique auto-induit à l’interface TiO2 / électrolyte via la concentration des ions lithium. De plus, ce champ électrique affecte positivement l’électro-activité du matériau, à un tel point qu’une fois optimisée l’électro-activité totale du matériau peut être obtenue sans avoir recours à du carbone dans la formulation de l’électrode.
Sur les cellules à colorant proche infrarouge : la combinaison TR-PL et les expériences de pompe-sonde TAS ont permis de comprendre le processus limitant le rendement de notre première génération de cellules PV transparentes basée sur les cyanines (VG20) [173]. La première limitation concerne le temps de vie de l’état excité de la molécule qui n’est que de 390 ps en solution et moins de 20 ps à l’état solide (figure 1 (b)). Des calculs de TD-DFT ont permis de corréler ce temps de vie court avec la faible séparation spatiale des excitons dans ce type de molécules. L’injection des charges dans les nanocristaux de TiO2 est de 4 ps environ (figure 1 (c)). Elle est en compétition cinétique avec deux processus de pertes d’énergies : la désexcitation radiative de la molécule (20 ps) et le transfert d’énergie entre les monomères et les agrégats moléculaires (1,4 ps) qui est très forte dans le cas des cyanines (type H). Ces mesures ont permis de développer des absorbeurs sélectifs au proche-IR plus performants (DPP-cyanines) en collaboration avec le CEISAM (UMR 6230, F. ODOBEL) dans le cadre du projet ANR VISION-NIR [81].
Spectroscopie Raman in situ
La compréhension du mécanisme de stockage des ions Na+ dans les carbones durs est un élément clé du développement de carbones à hautes performances pouvant être utilisés comme électrodes négatives des batteries Na-ion. Ce mécanisme est toujours très débattu dans la littérature. Nous avons mis en évidence l’efficacité de la spectroscopie Raman in situ pour l’étude de ce mécanisme, qui permet d’allier l’électrochimie à la spectroscopie Raman [44]. Un décalage de la bande G du carbone dur, dû à l’intercalation de sodium entre les feuillets de graphène, a été observé lors de la chute de potentiel sur le profil galvanostatique (Figure 2 (f)). En effet, lorsque le profil galvanostatique présente à la fois une chute de potentiel et un plateau en dessous de 0,1 V (vs. Na+/Na), la spectroscopie Raman in situ montre que l’intercalation de Na+ se produit préférentiellement lors de la chute de potentiel. Inversement, lorsque le profil galvanostatique du carbone dur présente uniquement un plateau à bas potentiel, aucune intercalation n’a pu être observée et le plateau peut donc être lié au remplissage des microspores par les ions Na+.
Modélisation des spectres par calculs DFT

Dans le contexte d’un projet ANR (PRIDE) impliquant une collaboration avec l’ICMCB (UMR 5026) et un co-encadrement doctoral (I. Andron, 2020), la caractérisation expérimentale et la modélisation par calculs DFT ont été conduites conjointement en vue d’examiner différentes matrices photochromes inorganiques [73, 124, 154, 175, 234, 329].
Les résultats théoriques rendent compte des observations spectrales, les justifient, et permettent d’initier une compréhension des mécanismes mis en œuvre. Notamment, au vu des différentes signatures spectroscopiques observées pour le matériau Rb2KIn1-xCexF6, il est apparu que divers types d’environnements semblaient être occupés par l’ion cérium. Les calculs DFT ont permis de fournir un éclairage sur ce plan, l’information obtenue se situant tant au plan énergétique, via l’estimation des énergies de substitution, qu’au niveau structural par analyse fine des caractéristiques de géométrie locale. La localisation multi-site de l’ion cérium ainsi obtenue permet de fournir des indications fines concernant la chimie des défauts de la matrice Rb2KInF6 dopée, inaccessibles à partir des données expérimentales collectées. La modélisation quantique s’est également révélée utile pour compléter les caractérisations réalisées par spectroscopie Mössbauer (Sn(IV)) et RMN (19F) en vue d’analyser le phénomène de photochromisme du matériau CaSnF6 dopé par le cérium [162]. Il a été démontré en particulier que lors de la substitution d'un ion Sn4+ par un ion Ce3+ dans le site octaédrique initial ( ), accompagnée de la création d'une lacune de fluor, ( ), l'énergie la plus basse parmi diverses configurations possibles est atteinte pour l’emplacement de la lacune appartenant directement au polyèdre contenant l’ion dopant (i.e. distance la plus faible, Figure 3). Les propriétés photochromiques de cette matrice sont ainsi influencées par la possibilité de réorganisation locale des électrons au sein d’un cluster de type { }x impliquant ainsi un transfert électronique des orbitales 5d du Cérium vers la lacune adjacente, celle-ci devenant ainsi neutre en charge effective : (i.e. formation d’un centre F).
Perspectives
Sur la partie spectroscopie résolue en temps, les spectromètres vont évoluer vers des mesures in situ, et en particulier en contrôlant l’atmosphère de mesures (ex. humidité, O2, N2), un bias électrique et enfin en fonction de la température, afin de mieux comprendre l’évolution des dynamiques sous stress externes ainsi que le vieillissement de cellules PV. La poursuite des études de modélisation des matrices photochromes aura trait tant à la recherche de la chimie des défauts en examinant de nouvelles matrices dopées par Ce ou Pr qu’à l’extension des travaux par analyse fine de la structure électronique et en faisant appel à la prédiction de spectres à partir de méthodologies plus sophistiquées.