La modélisation physique est une discipline qui a pour but de développer et valider des méthodes mathématiques permettant de simuler en ordinateur le comportement physique des systèmes, comme, dans notre cas, les batteries. Cette modélisation mécaniste décrit les relations entre les lois physiques et le comportement du système étudié, et peut adresser plusieurs échelles spatiales et temporelles au même temps, avec des approches connues comme « multi-échelle ».[257]
Modélisation du Procédé de Fabrication et de la Performance Associée des Batteries

Le projet ERC CoG « ARTISTIC », porté par le Prof. Alejandro A. FRANCO, a produit des résultats pionniers à l’échelle international. Ces résultats prennent la forme des modèles basés sur la physique et sur l’Intelligence Artificielle (IA) du procédé de fabrication par voie solvant des batteries lithium-ion. D’autres projets connexes ont permis de compléter ces activités, comme des thèses de doctorant financés par ALISTORE ERI, par le programme de doctorat DESTINY, et en s’appuyant sur des premiers travaux menés dans le cadre d’un projet CNRS porté par Alejandro A. FRANCO (postdoctoral Alain NGANDJONG) et dans le cadre d’une thèse en collaboration avec SAFT [261]
Les modèles physiques ARTISTIC décrivent les processus physico-chimiques impliqués tout au long du processus de fabrication des électrodes et de cellules, y compris les encres d’électrode,[257] leur coating, leur séchage,[283, 290] le calandrage des électrodes résultantes,[184] le remplissage par l’électrolyte,[120, 144] la formation de la SEI (solid electrolyte inferphase) et l'évaluation des performances électrochimiques.[101, 244] Ces modèles physiques associent des méthodes discrètes (dynamique moléculaire à gros grains, méthode des éléments discrets, méthode de Lattice-Boltzmann) à des méthodes de type continuum (méthode des éléments/volumes finis) par moyens d’algorithmes de maillage avancées développées par notre équipe.[131, 65, 289] Ces modèles ont été couplés de manière séquentielle et intégrés dans une plateforme de simulation du procédé de fabrication, la plateforme ARTISTIC. Cette plateforme permet d'évaluer et de prédire comment les paramètres de fabrication (par exemple, la formulation de la suspension, la teneur en solides, la pression de calandrage) impactent les propriétés finales de l'électrode (par exemple la porosité, le facteur de tortuosité, la capacité) et de la cellule (par exemple sa densité d’énergie). Cela peut être fait en tenant compte de la géométrie réelle des particules de matière active, qui peut être caractérisée par tomographie computationnelle [14].
Ces modèles ont été utilisés par exemple pour optimiser les protocoles de séchage des encres afin de minimiser la migration du carbone additif et du polymère,[182] pour optimiser les conditions de calandrage d’électrodes, pour étudier la fracture qui peut avoir lieu avec les particules de matière actives lors du calandrage,[18] et l’architecture des électrodes pour améliorer l’infiltration par l’électrolyte [120] et pour optimiser l’architecture des électrodes vis-à-vis de leur réponse électrochimique[66]. Autres exemples d’application concerne l’étude de l’influence de la formulation et le degré de calandrage sur la résistance de contact entre l’électrode et le collecteur de courant,[15] l’analyse des spectres d’impédance électrochimique en cellule symétrique en fonction de paramètres de fabrication des électrodes,[207] l’étude d’électrodes épaisses, en collaboration avec les activités expérimentales menées dans le groupe du Prof. Shirley Meng (Université de California San Diego/Université de Chicago) [42], l’effet de la microstructure d’électrodes de graphite sur l’hétérogénéité de l’épaisseur du Solid Electrolyte Interphase (SEI) dans leur volume à l’échelle mésoscopique [181]. Également, nous avons étudié avec ces modèles les interactions électrochimie/mécaniques dans les électrodes à base de silicium et graphite [142].
La plupart des travaux expérimentaux menés dans le cadre du projet ARTISTIC visent à produire les données expérimentales nécessaires au paramétrage des modèles physiques et à la construction des ensembles de données d’entrainement nécessaires pour construire des modèles d’intelligence artificielle fiables. Ces données expérimentales, générées à l'aide de l'unité de prototypage de batteries disponible dans notre laboratoire, comprennent les courbes de viscosité de la suspension en fonction de la vitesse de cisaillement, de la densité de la suspension, de l'épaisseur du revêtement, de la porosité et des courbes de pression de calandrage, entre autres, en fonction de la formulation. Grâce à la modélisation fortement liée aux actions expérimentales du projet, il a été possible d'établir des normes et des protocoles stricts pour la gestion des données et l'échange de données entre les modèles et les expériences [34].
Nous avons également démontré la transférabilité de cette plateforme pour la simulation du procédé de fabrication avec solvant d’électrodes de batteries tout solide [48, 91], les batteries sodium ion [67] et nous avons présenté comment l’adapter pour traiter les batteries lithium soufre [77]. Nous avons également démontré la transférabilité de notre méthode des éléments discrets pour la simulation de l’extrusion (voie sèche) de poudres de LFP, carbone additif et polymère pour la production de fibres pour l’impression 3D d’électrodes [6]. Ce modèle est capable de prédire l’influence de la vitesse d’extrusion et la formulation sur la microstructure des fibres. Les modèles ont été intégrés dans un calculateur disponible en ligne (connu ARTISTIC Online Calculator ), avec une interface graphique permettant à l’utiliser de simuler le procédé de fabrication avec les paramètres de fabrication expérimentaux [99]. Ce calculateur (ouvert en Juillet 2020) compte, en Mai 2024, plus de 1500 utilisateurs du monde entier (approximativement 50 % de l’industrie, 50 % du monde académique).
Nous avons également étudié la relation entre les propriétés structurales des électrodes (e.g. porosité, épaisseur, facteur tortuosité) et la performance électrochimique de cellules de batterie lithium soufre et lithium air, dans le cadre de projets européens (HELIS), des financements de thèse ALISTORE ERI, Région et par des collaborations avec l’industrie (IRT Saint Exupéry)[185] Pour les batteries lithium soufre, nous avons proposé le premier modèle capable de décrire le comportement électrochimique d’électrodes à base de carbone microporeux imprégné de soufre.[334] Pour le cas des batteries lithium air, ces études ont permis de démontrer pour la première fois que la position de chaque pore et son interconnexion détaillé jouent un rôle capitale dans le manque de reproductibilité en décharge galvanostatique observées pour les électrodes à base de carbone.[185, 335] Nos activités de modélisation physique ont également été très actives dans le domaine des batteries à flux de circulation, ce qui est présenté dans la section correspondante.
Modélisation des matériaux

Comme cela a été souligné préalablement, les calculs à l’échelle atomique ou moléculaire, faisant notamment appel à la théorie de la fonctionnelle densité ou à une approche de type dynamique moléculaire ont une forte utilité pour prédire/analyser les matériaux de batteries [41, 237, 171, 230, 68, 232, 323] [46] Des travaux de recherche innovants, basés sur des calculs TD-DFT, ont été récemment initiés dans le cadre d’un projet PEPS ENERGIE (SMARTBAT) rassemblant un consortium de trois partenaires : C. Frayret (LRCS, coordinatrice du projet), C. Gatti (CNR, Milan) et Y. Danten (ISM, UMR 5255).
Deux étapes clés ont été franchies à ce stade. Tout d’abord, il a été démontré que ce développement méthodologique permet d’aller clairement au-delà de ce que la littérature propose dans le domaine de l’examen et de la caractérisation quantitative du transfert de charge intramoléculaire [96]. Par ailleurs, l’intérêt de l’examen très fin des modulations induites par le changement d’état excité (S1, S2, …) ou de nature de solvant sur cette grandeur a été mis en lumière [85]. En effet, le code « DOCTRINE » (atomic group Decomposition Of the Charge TRansfer INdExes), basé sur la partition en sous-domaines inhérente à la théorie « Quantum atoms in Molecules », permet de donner accès à la contribution de groupes d’atomes concernant diverses caractéristiques qui n’étaient connues préalablement qu’au niveau moléculaire (e.g. valeur de la charge transférée faisant suite à l’excitation photonique, qCT). L’examen d’un système push-pull modèle de type D−π–A (la mérocyanine de Brooker, Figure 2) en faisant conjointement appel aux caractéristiques de transfert de charge, à la variation d’indices de délocalisation électronique, et à une classification précise des différents catégories possibles pour l’emplacement des centroïdes de la charge déplacée (Cloc), a été instructif à divers niveaux. Parmi les enseignements collectés impliquant les états excités S2 à S4, il est possible de citer notamment ces divers aspects : i) quel que soit le type de solvant, la transition S1← S0 n'induit pas le transfert de charge le plus élevé (celui-ci étant obtenu pour les transitions S2 ← S0 ou S3 ← S0; ii) la transition S4 ← S0 dans le cas des solvants polaires/protiques se caractérise par un comportement opposé à celui de la transition S1 ← S0 ; iii) de nombreuses situations conduisent à un transfert de charge de type « backward ». La mise en place de cette méthodologie repose sur des fondements solides qui servent à présent à définir des matériaux pour l’énergie innovants, basés sur des situations inédites.
Des méthodes de type Monte Carlo cinétique tridimensionnelles originales, ont été développées par l’équipe, permettant de simuler les mécanismes qui ont lieu dans les cathodes de batterie lithium soufre, tels que la dissolution du soufre solide, les réactions et diffusions de différents polysulfures et l'électrodéposition de Li2S. Ces calculs ont été réalisés dans des microstructures complexes de carbone/soufre, tout en prédisant les évolutions mésostructurales lors de la décharge dues aux réactions de dissolution/précipitation du soufre solide et du Li2S. [206] Les cinétiques ont été modélisées pour interpréter des expériences d’électrochimie analytique (voltammétries cycliques) avec des polysulfures.[145]
Perspectives
La plateforme de simulation du procédé de fabrication ARTISTIC attire des nombreux intérêts de la part de la communauté internationale et industrielle (p.ex. des nombreux fabricants de cellules et batteries). Cela a amené Alejandro A. FRANCO à créer une startup visant à le commercialiser, en intégrant aussi les modèles basés sur l’IA présentés dans la Section Modélisation par Intelligence Artificielle. Des projets EU (PULSELION, DIGICELL, dont A.A. Franco est WP leader, et des thèses MCSA co-financés par UMICORE -COFUND DESTINY-) et PEPR (BATMAN, co-coordonné par A.A. Franco) permettent de compléter cette plateforme avec des nouvelles fonctionnalités, comme son application aux batteries tout solide et aux piles à combustible (projet MCSA BLESSED). Nous mettrons en place une approche multi-fidélité, cad permettant à l’utilisateur de la plateforme de choisir le modèle avec le niveau de complexité souhaité pour simuler le procédé de fabrication des électrodes et des cellules. Le développement de modèles de substitution par l’apprentissage profond imitant le comportement des modèles physiques, moins couteux computationnellement, font également l’objet de travaux en cours. Le transfert de ces méthodes de simulation à une large gamme de chimies et de méthodes de fabrication moins énergivores et plus écologiques (comme l’extrusion) seront à poursuivre également.
A l’échelle du matériau, le champ d’application du code DOCTRINE dépasse très largement le cadre pour lequel il a été créé. Cela a suscité des sollicitations en vue de l’inclure en tant que module complémentaire de codes de chimie quantique. Il aura une utilité dans des projets débutés en 2024 (tels que le PEPS Energie « AUSTRALE »), tout comme dans ceux de plus grande envergure, d’ores et déjà initiés préalablement par le LRCS et rassemblant un consortium international. Des travaux s’appuyant sur une utilisation combinée des calculs réalisés par la théorie de la densité fonctionnelle et les simulations mésoscopiques de la fabrication des électrodes sont à prévoir. Ils permettront de décupler les forces du « cluster » de modélisateurs présents au LRCS en vue d’accroître les possibilités de découverte ou caractérisation de matériaux innovants. Cela pourrait être intégré dans des plateforme de simulation autonomes, comme nous l’avons discuté dans un article de perspective [121].
Le développement de jumeaux numériques en réalité virtuelle en réalité mixte a été également une activité forte du LRCS [64, 20, 191]. Ces jumeaux numériques, tout à fait originaux, ont porté sur, p.ex., la représentation dans un environnement réalité virtuelle immersif et interactif de la ligne pilote de fabrication du LRCS, ainsi que la représentation holographique et de manière interactive des microstructures des électrodes telles comme générées par le simulateur de la fabrication ARTISTIC. Cela constitue une étape originale pour rompre la barrière entre le digital et le monde réel, car les modèles sont amenés directement sur la place de l’expérimentation. Cette approche a été utilisée par nos soins pour l’enseignement auprès des étudiants de Master, et auprès de festivals scientifiques diverses (p.ex. Pint of Science, Fête de la Science), mais également pour former les opérateurs de la gigafactory ENVISION. Les efforts avenir de l’équipe porteront à continuer à développer des environnements de calcul novateurs, en exploitant ces technologies de réalité virtuelle et réalité mixte, afin d’assister les collègues expérimentateurs avec les résultats des modélisations et de l’IA directement sur la place d’expérimentation. C’est sur cela que le projet ERC PoC SMARTISTIC (porté par Alejandro A. FRANCO) et d’autres projets à venir sont consacrés.
Perspectives
La plateforme de simulation du procédé de fabrication ARTISTIC attire des nombreux intérêts de la part de la communauté internationale et industrielle (p.ex. des nombreux fabricants de cellules et batteries). Cela a amené Alejandro A. FRANCO à créer une startup visant à le commercialiser, en intégrant aussi les modèles basés sur l’IA présentés dans la Section Modélisation par Intelligence Artificielle. Des projets EU (PULSELION, DIGICELL, dont A.A. Franco est WP leader, et des thèses MCSA co-financés par UMICORE -COFUND DESTINY-) et PEPR (BATMAN, co-coordonné par A.A. Franco) permettent de compléter cette plateforme avec des nouvelles fonctionnalités, comme son application aux batteries tout solide et aux piles à combustible (projet MCSA BLESSED). Nous mettrons en place une approche multi-fidélité, cad permettant à l’utilisateur de la plateforme de choisir le modèle avec le niveau de complexité souhaité pour simuler le procédé de fabrication des électrodes et des cellules. Le développement de modèles de substitution par l’apprentissage profond imitant le comportement des modèles physiques, moins couteux computationnellement, font également l’objet de travaux en cours. Le transfert de ces méthodes de simulation à une large gamme de chimies et de méthodes de fabrication moins énergivores et plus écologiques (comme l’extrusion) seront à poursuivre également.
A l’échelle du matériau, le champ d’application du code DOCTRINE dépasse très largement le cadre pour lequel il a été créé. Cela a suscité des sollicitations en vue de l’inclure en tant que module complémentaire de codes de chimie quantique. Il aura une utilité dans des projets débutés en 2024 (tels que le PEPS Energie « AUSTRALE »), tout comme dans ceux de plus grande envergure, d’ores et déjà initiés préalablement par le LRCS et rassemblant un consortium international. Des travaux s’appuyant sur une utilisation combinée des calculs réalisés par la théorie de la densité fonctionnelle et les simulations mésoscopiques de la fabrication des électrodes sont à prévoir. Ils permettront de décupler les forces du « cluster » de modélisateurs présents au LRCS en vue d’accroître les possibilités de découverte ou caractérisation de matériaux innovants. Cela pourrait être intégré dans des plateforme de simulation autonomes, comme nous l’avons discuté dans un article de perspective [121].
Le développement de jumeaux numériques en réalité virtuelle en réalité mixte a été également une activité forte du LRCS [64, 20, 191]. Ces jumeaux numériques, tout à fait originaux, ont porté sur, p.ex., la représentation dans un environnement réalité virtuelle immersif et interactif de la ligne pilote de fabrication du LRCS, ainsi que la représentation holographique et de manière interactive des microstructures des électrodes telles comme générées par le simulateur de la fabrication ARTISTIC. Cela constitue une étape originale pour rompre la barrière entre le digital et le monde réel, car les modèles sont amenés directement sur la place de l’expérimentation. Cette approche a été utilisée par nos soins pour l’enseignement auprès des étudiants de Master, et auprès de festivals scientifiques diverses (p.ex. Pint of Science, Fête de la Science), mais également pour former les opérateurs de la gigafactory ENVISION. Les efforts avenir de l’équipe porteront à continuer à développer des environnements de calcul novateurs, en exploitant ces technologies de réalité virtuelle et réalité mixte, afin d’assister les collègues expérimentateurs avec les résultats des modélisations et de l’IA directement sur la place d’expérimentation. C’est sur cela que le projet ERC PoC SMARTISTIC (porté par Alejandro A. FRANCO) et d’autres projets à venir sont consacrés.