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courbe en fond

Electrochimie

Les méthodes électrochimiques couplées éventuellement à des outils d’analyse physico-chimique d’une part et à des outils de modélisation physique d’autre part, permettent d’approfondir notre compréhension des systèmes de stockage et de conversion d’énergie, à travers notamment la détermination:

  • des propriétés thermodynamiques qui caractérisent tout système dans un état d’équilibre,
  • des mécanismes d’oxydo-réduction mis en jeu, avec notamment des informations qualitatives ou quantitatives sur leur cinétique électrochimique aux interfaces,
  • des propriétés de transport, à l’état solide ou liquide, pour les matériaux d’électrolyte, les électrolytes
  • de propriétés géométriques qui sont mesurées de manière indirecte via la mesure d’une propriété physique effective (caractéristiques des milieux poreux, surfaces électroactives, etc)

Quand cela est possible, les dispositifs expérimentaux sont simplifiés afin d’exalter l’effet des phénomènes étudiés ; on les appelle des expériences « modèle ». Par exemple, cela peut consister à travailler sur une demi-pile afin de se focaliser sur le comportement d’une seule électrode [e.g., 80, 119, 336], ou de travailler sur une électrode plane de manière à étudier finement une interface avec certains outils de caractérisation physico-chimique [343]. Quand cela n’est pas possible, ou que l’on désire travailler sur un dispositif complet, il sera fréquent d’avoir recours à des méthodes de modélisation de manière à analyser finement les données, qui résultent de plusieurs phénomènes couplés. Dans une première approche, les modèles utilisés sont ceux disponibles dans la littérature et qui constituent une référence dans le domaine d’étude [62,336], mais il est aussi fréquent d’avoir à revisiter certains modèles afin décrire plus précisément la physique du système [275,80,31,248]. En travaillant sur les dispositifs complets, il est possible d’identifier les effets couplés, à l’instar par exemple des phénomènes à l’origine du vieillissement des accumulateurs Li-ion ou de leur emballement thermique. Ci-dessous, nous allons présenter une sélection d’articles illustrant cette méthodologie générale et allons mettre en avant quelques résultats marquants.

Caractérisations électrochimiques « modèle »

Caractérisation d’électrolyte liquide : Pour étudier et quantifier les propriétés de transport d’électrolyte dans les batteries Li-ion, une cellule symétrique Li -Li multi-électrodes de référence a été mise au point dans le cadre du projet Région EP4B (thèse de Clément RABETTE) [167]. Cette cellule a une distance inter-électrodes assez élevée pour exalter les limitations dues au transport d’espèces dans l’électrolyte et y disposer plusieurs électrodes de référence en Li à différentes positions afin de mesurer les profils de potentiel en fonction des conditions opératoires. A partir d’une analyse de ces profils de potentiels à l’aide d’un modèle physique basé sur la théorie des solutions concentrées (Onsager-Stefan-Maxwell), il est possible de déterminer le coefficient de diffusion et le nombre de transférence des cations Li+. Ces propriétés sont directement utilisables dans les modèles de batteries Li-ion commerciaux.

Caractérisation d’électrodes poreuses : Dans un travail de collaboration avec l’institut de recherche CIDETEC (Espagne), des mesures de tortuosité d’électrode ont été réalisées à l’aide de mesures d’impédance sur cellules symétriques en condition bloquante [165]. Une analyse des signaux d’impédance mesurées est effectuée à l’aide d’un modèle de ligne de transmission afin d’extraire la tortuosité d’électrode. L’originalité du travail a été d’effectuer les mesures de tortuosité à différentes concentrations en sel et température, permettant une meilleure robustesse sur les valeurs déterminées.

Dans le cadre de la thèse CIFRE de Simon MALIFARGE, ce sont des électrodes de graphite qui ont été étudiées et modélisées à l’aide du modèle DFN (Doyle-Fuller-Newman) [336]. 16 électrodes de design différant par l’épaisseur et la porosité ont été considérées. Le travail a consisté dans un premier temps à la détermination de l’ensemble des paramètres physiques et géométriques caractérisant les électrodes et l’électrolyte, en utilisant un panel de techniques déjà connues ou développées spécifiquement. Sans aucun ajustement de paramètre supplémentaire, les simulations de charge/décharge à différents C-rates effectuées par le modèle DFN ont montré un bon accord avec les mesures en demi-piles (graphite vs Li) à 25°C, confortant l’utilisation de ce modèle pour la simulation des cellules Li-ion (Fig. 1). A la suite de cette validation sur les 16 électrodes de graphite, un abaque des conditions de charge favorisant le plating de Li métal dans l’électrode de graphite a été mis au point en fonction du courant de charge et du design d’électrode, à 25°C.

Caractérisations électrochimiques couplées à des méthodes physico-chimiques

Electrochimie / sXAS / TOF-SIMS pour caractériser la SEI : Dans un travail de collaboration avec des chercheurs du Lawrence Berkeley National Lab (USA), des électrodes planes de Cu ont été utilisées comme électrode modèle pour former la SEI (produits de réduction de l’électrolyte à bas potentiel) et ses propriétés ont été suivies par spectroscopie d’absorption X à faible énergie (sXAS) ainsi que par spectrométrie de masse à temps de vol (TOF-SIMS) [343]. Il a été montré qu’au cours des cycles de charge/décharge, les espèces à base de carbonate de la SEI sont partiellement réoxydées durant la recharge, ce qui est accompagné par une diminution de l’épaisseur. Ces résultats démontrent que la SEI n’est pas inerte électrochimiquement.

 

Electrochimie / Diffraction des rayons X / Calorimétrie pour les matériaux actifs : Dans le cadre de la thèse de G. ASSAT en collaboration avec le laboratoire de Jean-Marie TARASCON au Collège de France, différents couplages entre méthodes électrochimiques et physiques ont été mises en œuvre afin de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu dans les matériaux riches en Li, et qui présentent une électroactivité de l’oxygène en plus de celle du métal de transition. Le couplage de mesures électrochimiques et de la diffraction de rayons X operando a permis de démontrer que le plateau visible en fin de décharge pour le matériau Li2IrO3 est d’origine purement cinétique, démontrant l’existence de chemins mécanistiques d’insertion/extraction de lithium très différents entre la charge et la décharge. [252]. Pour le matériau Li2Ru0.75Sn0.25O3 (LRSO) des mesures électrochimiques couplées avec de la calorimétrie isotherme ont permis d’étudier le mécanisme de l’électroactivité anionique de LRSO et de proposer un schéma de type EC-EC (étape électrochimique couplée à une étape chimique successive pour la charge et la décharge) (Fig. 2) [268]. Un simple modèle cinétique zéro D basé sur ce schéma a permis de reproduire qualitativement le comportement électrochimique observé.

 

Electrochimie / tomographie des rayons X / mesures de conductivité : Dans le cadre de la thèse de T. T. Nguyen (CIFRE avec Renault), des électrodes de NMC532 ont été étudiées par différentes méthodes physiques, dédiées cette fois à l’étude des propriétés au niveau des électrodes poreuses. Des mesures ex situ et operando en tomographie des rayons X ont été réalisées sur les synchrotrons de l’ESRF (France) et de l’APS (USA), afin de déterminer la microstructure des électrodes à une résolution inférieure à 50nm. Par des analyses d’image avancées, les aires des différentes interfaces au sein des électrodes ont pu être déterminées, ainsi que les tortuosités du réseau de pores dans les trois directions.  Sur un autre registre, des mesures de conductivité ont également été effectuées à l’aide de pointes au sein d’un microscope à balayage électronique espacées jusqu’à un minimum de 10µm, dans le but de cartographier la distribution de ce paramètre au sein de l’électrode. [119]

Sophistication des modèles mathématiques

Prise en compte de la convection comme mode de transport des électrolytes : Une étude basée sur la théorie des solutions concentrées (Onsager-Stefan-Maxwell) a été réalisée afin de quantifier l’erreur commise lorsque la convection due aux gradients de densité (eux même dus aux gradients de composition) est prise en compte ou négligée [31]. Cela conduit à des écarts substantiels sur la valeur des paramètres de transport.

Effet d’agglomération au sein des électrodes poreuses : Le modèle DFN considère que les particules sphériques de matériau actif sont toutes exposées à l’électrolyte. Pour rendre compte des performances d’électrodes à base de NMC532 étudiées dans le cadre de la thèse de T. T. Nguyen, le modèle DFN a été modifié afin de prendre en compte la possibilité d’agglomération des particules actives [80]. Une dimension supplémentaire est ajoutée pour rendre compte des agglomérats. Les données simulées à l’aide de ce modèle DFN modifié ont montré un bon accord avec les mesures électrochimiques, pour différents électrolytes liquides.

Tortuosité conventionnelle d’un milieu poreux vs tortuosité l’électrode : Dans le cadre de la thèse de T. T. Nguyen, une collaboration a eu lieu avec S. Cooper de l’Imperial College London (UK) afin d’étudier la différence théorique entre la tortuosité issue de la mesure par spectroscopie d’impédance en cellule symétrique bloquante et celle issue de mesures conventionnelles basée sur le transport d’une espèce à travers un milieu poreux [248]. Cette étude théorique a révélé pour la première fois des différences fondamentales entre les deux types de tortuosité, notamment en raison du rôle des pores non débouchant dans le cas des électrodes (Figure 3).

Perspectives

  • continuer les mesures sur batteries instrumentées. En particulier, l’introduction de fibres optiques au sein des cellules permet la détermination de nombreux paramètres, tels que la pression, la température, mais aussi l’indice de réfraction du milieu environnant et la composition chimique (grâce à la spectrométrie IR). Grâce à la mise en œuvre de cellules électrochimiques modèle, il est ainsi possible de mettre à profit l’utilisation des fibres optiques pour la détermination de paramètres physico-chimiques. Ce travail est en collaboration avec l’équipe de J. M. TARASCON au Collège de France.
  • continuer les mesures sur batteries instrumentées. En particulier, l’introduction de fibres optiques au sein des cellules permet la détermination de nombreux paramètres, tels que la pression, la température, mais aussi l’indice de réfraction du milieu environnant et la composition chimique (grâce à la spectrométrie IR). Grâce à la mise en œuvre de cellules électrochimiques modèle, il est ainsi possible de mettre à profit l’utilisation des fibres optiques pour la détermination de paramètres physico-chimiques. Ce travail est en collaboration avec l’équipe de J. M. TARASCON au Collège de France.
  • disséminer et faciliter l’utilisation du modèle DFN. Ce modèle constitue une « baseline » dans l’analyse des caractéristiques électrochimiques de cellules Li-ion, mais son usage n’est réservé principalement qu’aux initiés. Grâce au développement d’une interface conviviale, son adoption par un public plus large est visée à moyen terme. Cette démocratisation devrait permettre d’étoffer les bases de données de paramètres existantes, à l’instar de la base de données Liiondb [https://liiondb.com/] mise au point par le Faraday Institute au Royaume Uni. La démocratisation de cet outil de simulation pourrait bénéficier notamment à des technologies émergentes telles que les batteries Na-ion (SIB).
  • Le modèle DFN peut être adapté de manière à adresser d’autres technologies émergentes comme les batteries tout solide (ASSB). L’objectif serait de modifier la représentation physique du modèle DFN dans le but de le rendre compatible avec les batteries tout solide.